Herika

Patientant au guichet, défroissant les plis de sa jupe, Herika ne pouvait s’empêcher de dévisager le gaillard derrière le comptoir. Une éternité pour compter quelques malheureuses pièces ! Elle lui les aurait bien fait bouffer sur le coup, surtout qu’il semblait prendre plaisir à la faire languir ainsi. Mais elle en avait besoin… ce soir c’était tournoi Poker à sa petite taverne préférée.

Pour une fois qu’elle gagnait aussi ! Elle fêterait ça dignement... en rejouant le tout ! Ce n’était pas tant pour gagner de quoi vivre qu’elle s’entêtait à parier encore et encore, mais plus pour l’excitation de miser et de voir sa somme disparaitre ou gonfler. La petite dose d’adrénaline qui montait, montait, et se répandait dans son corps tendu au possible…


Depuis combien de temps déjà jouait-elle ? Trop pour qu’elle le compte encore et sa vie ne se résumait à guère grand-chose d’autre. Sa passion avait finit par prendre le pas sur tout le reste au point que chacune de ses journées s’organisait autour de ce loisir.


Parcourant les ruelles de Dion en sifflotant, elle se dirigeait à son petit appartement situé au-dessus d’un des commerces du village. Il n’était pas très luxueux mais au moins il était spacieux et facilement décorable. D’ailleurs elle ne s’était pas gênée pour en faire un petit endroit coquet et féminin à souhait, entassant tout un tas de bricoles un peu partout, ne lésinant pas dans la surenchère. Au fond c’était tout elle ça, excessive au possible.

Enfilant une jupe plus courte et un petit haut confortable, elle attrapa au passage sa dague, sait-on jamais, et de quoi se payer à boire pour la soirée. La demoiselle tenait deux comptabilités différentes, le budget boisson et nourriture, et le budget divertissement, le dernier étant souvent proche de zéro.

Elle frotta ses petites pièces d’or sur sa joue en riant et passa le pas de porte alors que le soleil se couchait lentement.


Le paysage du coin lui rappelait parfois la campagne du nord, celle où elle avait passé toute son enfance à courser les bœufs et les cochons. Mais très vite, cette vie l’avait ennuyée et même agacée, elle n’avait donc pas tardé à prendre le bateau jusqu’à Giran. Elle s’y était installée et habituée.
La vie de citadine lui allait comme un gant, elle se surprit même à devenir une jeune femme coquette et avide de jolies choses. Ses manières faisaient souvent rire sa famille lorsqu’elle leur rendait visite dans le nord, mais au fond elle s’en fichait.
Malheureusement les jolies choses avaient un prix et ses économies maigrissaient plus vite qu’elle ne l’aurait voulu. Afin de palier à ce manque, elle commença donc à jouer, puis à rendre divers services par-ci par-là. Se refusant à s’éreinter à un travail monotone et peu gratifiant, elle préféra tout miser sur son minois et son culot. Ce qui paya très vite.
Au final, elle partit tout de même s'installer à Dion, la vie y étant moins chère.


Les odeurs d’alcool et de sueur parvinrent à ses fines narines, portées par la bise qui soufflait en cette fin de journée. Herika poussa la porte de la taverne et partit s’installer directement au bar, elle commanda une grande bière qu’elle descendit en moins de deux.
Un homme à la voix cassée par la fumette l’appela, on l’attendait. Il était l’heure de se mettre à table et de plumer ces imbéciles.